II. Le Solar Impulse, un projet viable ?
Le Solar Impulse est un avion qui a émergé d’une génération mettant fortement en avant l’écologie. Il est de ce fait difficilement comparable à des avions longs courriers actuels qui utilisent du carburant polluant tel que le kérosène. Après avoir présenté son mécanisme, nous allons maintenant nous intéresser à ses différentes facettes qui le distinguent et permettent de l’intégrer à une nouvelle catégorie d’avions, les avions solaires, qualifiés et vus comme « propres ». Plusieurs avantages se dessinent au niveau même du Solar Impulse, notamment économiques, écologiques et environnementaux.
1. Les avantages économiques
Ces avantages se situent à deux niveaux : celui de l'énergie utilisée et celui de la maintenance. En effet, on sait aujourd'hui que le prix du pétrole est élevé, contrairement à l’énergie solaire qui, à l’utilisation, ne coûte rien. Ainsi, même si les constructeurs aéronautiques font des études pour réduire la consommation d'énergies fossiles en utilisant des matériaux plus performants, le prix à payer restera très élevé. De plus, la somme à payer est renouvelée à chaque vol. Il est donc nécessaire, et cela le sera de plus en plus, de préconiser l'utilisation des énergies non fossiles, gratuites dans leurs exploitations. Les gains financiers ne sont donc pas négligeables. L'avantage économique de l'énergie solaire pour alimenter les moyens de transports, notamment les avions, est certain.
Par ailleurs, les avions récents ont une durée de vie estimée à 25-30 ans, et doivent être vérifiés régulièrement à tous les niveaux. Le coût d'entretien d'un avion est élevé, il nécessite d'importants moyens humains et techniques. Les avions solaires, par contre, ont une durée de vie très longue, surtout s'ils sont bien entretenus. Cet entretien est plus restreint car il s'agit de vérifier les panneaux photovoltaïques essentiellement ; or ces panneaux sont très résistants, c'est pourquoi il faut les changer et les vérifier moins souvent, ce qui conduit à un avantage économique. Les avions solaires arrivent en fin de vie aux alentours de 30 ans.
De plus, on sait que les installations de panneaux photovoltaïques sont élevées de nos jours, puisque la pose d’un mètre carré de panneaux solaires a un coût estimé aux alentours de 1000 €. C’est pourquoi, dans quelques temps, les entreprises qui créent ces panneaux, auront tout intérêt à baisser leur prix ou plutôt à trouver un certain équilibre entre l’offre et la demande afin de satisfaire les acheteurs et les vendeurs, ce qui pourrait représenter un certain avantage économique pour ceux qui les utilisent.
Quelques chiffres : Sachant que le prix du m² de panneaux solaires est environ de 1000 €, et que le prototype du Solar Impulse a une surface recouverte de cellules photovoltaïques égale à 200 m², on peut calculer le coût de cette installation :
1000*200 = 200 000 €
Le coût de l’installation des cellules photovoltaïques au niveau du Solar Impulse est environ égal à 200 000 euros, montant assez élevé. Mais le coût de l'investissement ne remet pas en cause l'avantage économique à long terme, puisque cette dépense ne sera faite qu’une seule fois, contrairement aux compagnies qui dépensent des sommes très importantes pour le carburant des avions longs courriers d’aujourd’hui, et ce à des fréquences élevées.
Ainsi, l'utilisation des panneaux photovoltaïques pour le Solar Impulse aura un effet bénéfique pour tous car la demande s'accroitera, la production augmentera, et le prix évoluera en conséquence en fonction de la concurrence, toujours croissante. L'avantage économique en découle.
2. Les avantages environnementaux
a. Le Solar Impulse, un projet propre par rapport à l’aviation actuelle
Aujourd’hui, les énergies fossiles, comme le kérosène issu du pétrole et carburant principal de l’avion, polluent en rejetant dans l’atmosphère du dioxyde de carbone (CO2) ainsi que d’autres polluants.

De plus, nous voyons bien par ce graphique qu’au cours du temps, l’utilisation des énergies fossiles a augmenté. La part du transport aérien dans les émissions de CO2 est de 13 % ainsi que de 3 % dans les émissions de gaz à effet de serre. On sait aussi que ce dernier pourcentage croit de 5 % par an.
L’aviation a incontestablement une forte part de responsabilité et un gros impact sur le changement climatique.
Principe des gaz à effet de serre :

Schéma du mécanisme de l'effet de serre
Les gaz à effet de serre sont des gaz contenus dans notre atmosphère : le dioxyde de carbone (CO2) pour 26 %, le méthane (CH4) pour 6 %, la vapeur d’eau (H2O) pour 60 % et l’ozone (O3) pour 8 %. Comme le montre le schéma ci-dessus, 20 % du rayonnement solaire est absorbé par l’atmosphère, tandis que 30% est renvoyé dans l’espace. De plus, les 50 % des rayons solaires restants sont, eux, reçus par la Terre à sa surface et seront renvoyés dans l’atmosphère sous forme de rayons infrarouges. Des rayons renvoyés, 5 % seulement franchissent l’atmosphère et vont vers l’espace, les autres étant retenus par l’atmosphère et absorbés par les gaz à effet de serre.

Diagrammes des taux de polluants émis lors des différentes phases d'un vol
Les oxydes d'azote (NOx) produits au décollage et durant l'ascension, tout comme le monoxyde de carbone (CO) et les hydrocarbures (HC) produits principalement en phase taxi, provoquent la formation d'ozone, un autre gaz à effet de serre. Ces trois diagrammes montrent bien que la qualité de l’air est fortement dégradée lors du décollage, de la montée et de la phase taxi pour un moteur d’aviation CFM56 sur ce document, mais aussi pour tout autre type de moteur au service de l’aviation. Des particules fines, qui sont des résidus solides de la combustion du kérosène, sont aussi rejetées dans l’air et ont un impact important sur la santé. Il en est de même des pluies acides, résultantes de l'oxydation du soufre contenu dans le kérosène lors de la combustion.
Ensuite, les traînées de condensation des avions (schéma ci-dessous), que nous pouvons observer lorsque le ciel est clair, contribueraient elles aussi à l'effet de serre.

L’énergie solaire est une énergie propre, renouvelable et sera disponible jusqu’à l’extinction du Soleil, à l’inverse du pétrole. En effet, l’énergie solaire n’émet pas de gaz à effet de serre contrairement au dérivé du pétrole qu’est le kérosène pour les avions d’aujourd’hui. De plus, l’augmentation de la concentration de ces gaz dans notre atmosphère, a pour conséquence des effets néfastes comme le réchauffement climatique. C’est pourquoi il apparait comme nécessaire, et nous y sommes contraints, de réduire ces émissions ; l'équipe du projet du Solar Impulse propose cela avec l’utilisation d’une énergie solaire.
Quelques chiffres :
Si l’on se penche sur les émissions de carbone d’un avion par passager et par kilomètre, on s’aperçoit qu’elles sont supérieures de 50 % à celles d'un passager d’un véhicule à essence.
De plus, l’équation complète de la combustion du kérosène est : CnH2n+2 + (3n+1)/2 O2 = n CO2 + (n+1) H2O avec n=8. Donc, celle-ci devient :
C8H18 + 12,5O2 = 8CO2 + 9H2O.
Nous allons donc voir la quantité de CO2 et d’eau (H2O) rejetée pour une mole de kérosène.
Pour une mole de kérosène consommée et brûlée, 8 moles de CO2 et 9 moles d’H2O sont rejetées.
• Calcul de la masse de CO2 rejetée :
M(CO2) = M(C) + 2*M(O) = 12.0 + 2*16.0 = 44 g/mol
M(C8H18) = 8*M(C) + 18*M(H) = 8*12.0 + 18*1.0 = 114 g/mol
avec M la masse molaire en g/mol.
Si pour une mole de kérosène consommée, 8 moles de CO2 sont rejetées, alors la masse de CO2 rejetée par mole de kérosène est : m=n*M = 8*44 = 352g avec n le nombre de moles en mol.
Donc, 352 g de CO2 sont rejetés pour 114 g de kérosène consommés. Cela revient donc à dire que pour un kilo de kérosène consommé, 3 kg de CO2 sont rejetés dans l’atmosphère (352/114).
• Calcul de la masse de H2O rejetée :
M(H2O) = 2*M(H) + M(O) = 2*1.0 + 16.0 = 18 g/mol
M(C8H18) = 8*M(C) + 18*M(H) = 8*12.0 + 18*1.0 = 114 g/mol
avec M la masse molaire en g/mol.
Si pour une mole de kérosène consommée, 9 moles d’H2O sont rejetées, alors la masse d’H2O rejetée par mole de kérosène est : m=n*M = 9*18 = 162g avec n le nombre de moles en mol.
Donc, 162 g d’H2O sont rejetés pour 114 g de kérosène consommés. Cela revient donc à dire que pour un kilo de kérosène consommé, 1,4 kg d’eau sont rejetés dans l’atmosphère (162/114).
En conclusion, nous pouvons donc dire que beaucoup de dioxyde de carbone est rejeté lors de la combustion du kérosène, gaz à l’origine de l’effet de serre. L’utilisation de l'énergie solaire dans l’aviation serait donc plus que favorable à l’égard de ces chiffres.
b. Un avion solaire calme et entièrement recyclable, contrairement à son homologue d’aujourd’hui
Les avions actuels sont très bruyants et gênent énormément les habitations proches des aéroports ainsi que les personnes travaillant sur ces lieux. En effet, ceux-ci émettent au décollage et à l’atterrissage des niveaux sonores supérieurs à 130 dB, pouvant atteindre même 200 dB. Ceci est particulièrement nocif pour la santé, la plupart des sons de la vie courante étant compris entre 30 et 90 décibels.
Ainsi, même si les habitations se trouvent à une certaine distance des pistes de décollage et d’atterrissage, le bruit reste tout de même très dérangeant, bien qu’il soit légèrement atténué.
Le Solar Impulse éviterait ces nuisances puisqu’il est totalement silencieux, ce qui constitue un gros atout environnemental. Les conditions de vie des riverains de jour comme de nuit s'en trouveraient améliorées.
De plus, l’avion solaire présente un avantage en terme de recyclage par rapport aux avions actuels, puisque tous les composants de ses panneaux photovoltaïques sont recyclables. Un simple traitement thermique est requis, servant à séparer les différents éléments des panneaux et permettant de récupérer les cellules photovoltaïques, le verre et les métaux (aluminium, cuivre et argent). Néanmoins, au final, seulement une partie de l’avion est recyclée, le reste étant plus problématique notamment sur l'aspect écologique, comme nous l'observerons dans la Partie III.
_______________________________
Ce projet présente donc de nombreux avantages, environnementaux sur la question de la pollution, de la santé et du bruit mais aussi économiques, même si ce n’est pas l’objectif principal. Il permettra aux habitants de nos sociétés, s'il se concrétise, de vivre en harmonie avec leur environnement, et de concourir à un cadre de vie de plus en plus sain.
Précédent : PARTIE I Suivant : PARTIE III