III. Les contraintes de ce prototype
Probablement le premier d’une longue lignée, le Solar Impulse se veut très audacieux. C’est un projet très innovant qui possède beaucoup de qualités, mais certaines contraintes sont à relever et ne sont pas sans conséquences ...
1. La capacité de transport
Du fait de sa grande envergure, 61,40 mètres, due à la taille de son aile, le Solar Impulse peut être comparé à des avions de vols longs courriers, capables de transporter des centaines de passagers tels que le Boeing 747 ou l’Airbus A340. En effet, ceux-ci ont une envergure proche de celle du Solar Impulse (de 60,3 m à 63,45 m pour l’Airbus A340 et de 59,6 m à 68,5 m pour le Boeing 747, la taille varie selon les modèles).

Envergure du Solar Impulse
Néanmoins, cette comparaison n’est valable que du point de vue de l’envergure ; elle ne peut en aucun cas être faite au niveau de la capacité de transport. En effet, le Solar Impulse ne peut accueillir qu’un seul passager, voire deux, contrairement à ces deux avions cités précédemment, qui eux sont capables de transporter plus ou moins 300 personnes en fonction du modèle (il existe plusieurs types d’Airbus A340, dont l’A 340-200X qui a la plus faible capacité de transport avec 239 passagers et l’Airbus A 340-600X qui peut, par contre accueillir 380 passagers). L'équipe du Solar Impulse devra franchir un grand pas pour leur enventuelle volonté d'égaler les avions actuels, en terme du nombre de passagers.
2. Puissance, vitesse et poids
Les cellules silicium monocristallin captent une partie de l’énergie solaire qui parvient sur celles-ci sous forme de rayons (environ 22 %). De plus, à chaque transformation d’énergie (il y en a trois), une fraction d’énergie est perdue, comme nous l'avons vu en fin de Partie II. La chaine énergétique fait perdre, au fil des étapes, de l’énergie. Au total, le rendement du Solar Impulse est de 12 %, la puissance moyenne fournie par les moteurs de l’avion étant de 6 kW, ce qui est très faible. En comparaison, les frères Wright disposaient de la même puissance au niveau de leur avion, lors de leur premier vol motorisé.
La quantité d'énergie dont peut disposer le Solar Impulse (même dans des conditions optimales) étant très limitée, les fabricants de ce prototype ont dû faire en sorte de réduire au maximum son poids. Grâce à leurs performances, il ne s'élève qu'à 1,6 tonnes ; ce faible poids peut empêcher l’avion de prendre son envol en cas de fortes bourrasques de vent, et ceci présente malgré tout un inconvénient de taille. Un article figurant sur le blog du site officiel du Solar Impulse intitulé : "Un vol complexe, et perturbé", le souligne. La légèreté de cet avion n'est cependant pas suffisante pour atteindre des records de vitesse. En effet, l'avion est équipé de quatre moteurs de seulement 10 chevaux chacun. Sa vitesse de pointe est par conséquent limitée à 70 km/h, vitesse très faible contrairement à celle des avions longs courriers qui peuvent atteindre une vitesse au moins dix fois plus élevée, comme nous le verrons ci-dessous. Néanmoins, le résultat obtenu pour leur premier prototype apparait comme une belle performance aux yeux de l'équipe du Solar Impulse.
Pour donner un ordre de grandeur de la puissance de ces moteurs, ils ont chacun, la puissance de 5 moteurs de Citroën 2 CV qui fonctionne, elle, à l’énergie fossile.
Quelques chiffres : Nous allons comparer le temps de parcours sur un trajet type tel que Paris - New-York, du Solar Impulse et d'un avion de ligne actuel tel que l'Airbus A340-600.
Données :
On sait que la vitesse de pointe du Solar Impulse est de 70 km/h et que la distance Paris - New-York en avion est de 5840 km en ce qui concerne un vol direct. On sait aussi que la vitesse de pointe d’un Airbus A340-600 est de 888 km/h.
Pour simplifier le calcul, on estime que les deux avions conservent leur allure maximale tout au long du trajet, en estimant que la vitesse atteinte est, dès le départ jusqu’à leur arrivée, leur vitesse maximale.
On sait que la vitesse (m/s) = (distance (m) /temps (sec))
donc Temps (seconde) = (distance (mètres)/vitesse (mètres/seconde))
On convertit les données :
5840 km = 5840000 m = 5,84.106 mètres
70,0 km/h = 7,00.104 m/h = 7,00.104m/3600 sec = 19,4 m/s.
888,0 km/h = 8,880.105 m/h = 8,880.105m/3600 sec = 246,7 m/s.
• Solar Impulse : Temps de parcours = (5,84.106 / 19.4) = 3,01.105 secondes = 83,6 heures = 3 jours environ.
• Airbus A 340-600 : Temps de parcours = (5,84.106 / 246,7) = 2,36.104 secondes = 6,56 heures.
On constate donc que le Solar Impulse ne peut pas rivaliser avec l’Airbus A340-600, en ce qui concerne le temps de parcours. Sa très faible vitesse est évidemment un inconvénient majeur pour le projet.
3. Les batteries lithium-polymère
L’équipe qui a construit cet avion a pour but de lui donner une autonomie lui permettant de pouvoir voler toute une journée grâce à l’énergie solaire captée directement par les rayons émis et toute une nuit grâce à la mise en place de batteries lithium-polymère se rechargeant au cours de la journée.
Le voyage Paris - New-York est impossible sans escale, autrement dit il est impossible pour le moment, puisqu'il devrait s'effectuer sur une durée de 3 à 4 jours.
En ce qui concerne les cellules photovoltaïques, bien qu’elles soient chères, elles ont une durée de vie moyenne courte qui ne s’élève qu’à 2-3 années. Ainsi, cela apparait comme une contrainte importante s’il faut les changer régulièrement. En plus d’un taux de charge et de décharge limité (voir graphique ci-dessous), elles sont fragiles ; en cas de casse, cela peut avoir de néfastes conséquences.
Capacité des batteries en fonction du nombre de cycles (chargement/déchargement) :
Ce graphique relate la capacité des batteries en terme de charge et de décharge d'énergie (ordonnée), en fonction du nombre de cycles effectués par celles-ci (abscisse). On remarque que les batteries ont une capacité limitée de chargement et de déchargement, puisque au fur et à mesure que des cycles sont effectués, la capacité diminue ; il faudra donc les changer régulièrement, afin qu’elles soient les plus performantes possibles.
Le recyclage des batteries lithium-polymère pose problème, comme nos piles actuelles, par rapport aux métaux lourds qu’elles contiennent. En effet, ceux-ci par oxydation, vont s’échapper des batteries et vont donc polluer les sols, les eaux, les nappes phréatiques, … S’il leur arrive d’être brûlés, des gaz toxiques s’en échappent, affectant la santé des hommes. Il faudra donc innover par la suite, afin de trouver des solutions quant aux différentes sources de pollutions comme celles-ci.
A travers cette image, nous pouvons voir que les batteries polluent les sols mais surtout l'air, en rejetant des gaz toxiques, ... C'est notamment en raison d'une forte pollution de nos sols que les décharges d'enfouissement ont été interdites depuis 2002.
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Le projet du Solar Impulse présente ainsi de nombreux inconvénients liés à son poids, sa vitesse, sa puissance ou encore ses batteries.
Cela s'explique par la jeunesse de l'aviation solaire qui en est à ses débuts. Ainsi, afin que des projets tels que celui que nous avons présenté puissent concurrencer nos modes de transports actuels, il faudra réduire drastiquement ces nombreuses contraintes en essayant de mettre encore plus en avant leurs qualités, au travers de nouvelles innovations.
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